Au triple galop TENNIS Magazine Juin 1997 (avant Roland Garros)
Dans la vitrine historique des records de précocité battus par Martina Hingis, Roland Garros figure déjà en position privilégiée. En effet, celle qui est devenue la plus jeune n° de tous les temps, le 30 mars dernier à 16 ans et demi, au lendemain de sa victoire à Key Biscayne, a réellement commencé sa fulgurante ascension dans le cadre de Internationaux de France.
Martina en était devenue, en 1993, à 12 ans et 8 mois, la plus jeune gagnante du tournoi juniors. Elle n'avait perdu que deux sets et avait battu en finale la talenteuse Laurence Courtois, alors âgée de 17 ans et demi. Notre maîtetechnicien, Georges Deniau, pourtant peu enclin en général à porter au pinacle de jeunes virtuoses trop prématuément comparés à Mozart, ne tarissait pas d'éloges. Il évoquait la stupéfiante "justesse" de son tennis, dans l'échange comme à la volée et, en puriste, se réjouissait: <<
>> Malgré l'admiration que suscitait cette nouvelle Lolita de tennis, il était en bien difficile d'imaginer que sa conquête du pouvoir suprême intervendrait aussi tôt.
On savait alors de Martina qu'elle avait vu le jour à Kocise en Slovaquie et qu'elle était venue s'établir à Trubbach, en Suisse allémanique à l'âge de 7 ans avec sa maman, Mélanie (Molitor) qui est aussi son coach de toujours. Celle-ci avait été n°22 dans l'ancienne Tchécoslovaquie et avait prénommé sa fille en l'honneur de Martina Navratilova. On connaissait aussi chez Martina un talent assez grand pour avoir gagné, à dix ans et demi, le tournoi international minimes des Petits As à Tarbes. Et dès 1990, Tennis Magazine lui consacrait un long reportage, chez elle, à Trubbach (voir T.M. n°170 [Non, j'ai pas cet reportage, désolé. -L'auteur]).
Quatre ans seulement après ses premières balles à Roland Garros, Martina Hingis nous revient donc en n°1, ayant été consacrée en Australie plus jeune gagnante du siècle d'un tournoi Grand Chelem. Invaincu aussi cette année, après cinq tournois gagnées, série qu'elle ne peut enrichir avant Roland Garros en raison d'un genou blessé lors d'une chute de cheval (l'équitation est son passe-temps favori) qui doit la priver des tournois de Hambourg, Rome et peut-être Berlin.
Depuis 1993, Martina Hingis est revenue chaque année à Roland Garros. En 1994, la saison de son entrée au classement mondial (le 21 mars, en 399e position) elle y a d'abord conservé, sans perde un set, son titre juniors- c'était la première fois qu'une joueuese réussissait ce doublé. Et en 1995, déjà 27e mondiale à 14 ans après avoir atteint en mai la finale de Hambourg, elle débutait dans le grand tableau à Roland Garros. Son premier tour, sur le court n°1, fut marqué par le sauvetage de trois balles de match contre Judith Wiesner. Des gradins, les premiers chœurs de sa légende en marche scandaient "Mar-tina!, Mar-tina!". Elle dominait ensuite la solide Marian de Swardt avant de s'incliner sur le central qu'elle foulait pour la première fois contre l'imposante Lindsay Davenport, tête de série n°7- non sans lui avoir ravi la première manche.
L'an denière Martina était pour la première fois tête de série à Roland Garros (n°15, en tant que n°17 mondiale). Sa carte de visite était plus impressionante encore que la saison précédente puisqu'elle venait, à Rome, de battre Steffi Graf en personne. Mais après deux victoires contre Barbara Schett et Petra Begerow, elle fut éliminée par la joueuse en forme du tournoi, la Slovaque Karina Habsudova, qui allait seulement perde en quarts contre Sanchez 10-8 au troisième set.
Personne ne le savait encore, mais il s'agissait bien là d'une des dernières "contre-performances" de Martina Hingis. Sa fin de saison allait être éblouissante, avec une demi-finale à l'US Open (contre Graf) deux tournois gagnés (dont celui d'Oakland où elle battit Seles 6/2 6/0), et une finale du Masters où elle poussa Graf aux cinq sets. Tout cela avant la voie royale de 1997...
Pour la prêmiere fois de sa carrière, Martina Hingis sera tête de série n°1 d'une épreuve du Grand Chelem. Et jamais Roland Garros n'aura eu un tableau dominé par une championne aussi jeune.
Si elle a eu le temps de préparer après son accident, il serait bien surprenant que la gracieuse ne soit pas digne de cet honneur. Et il est même proable que, compte tenu de son coup d'œil, de son art du contre, de l'amortie, du contre-pied, de la volée judicieusement disitllée à contretemps, bref de tout ce que n'attend pas l'adversaire, la terre battue soit actuellement la suface où son tennis s'exprime le mieux. Même si Monica Seles l'a menacée jusqu'au bout en finale À Hilton Head, le 6 avril, dernier match jouée par Martina.
Il sera en tout cas passionnant de voir comment Martina Hingis, qui promène partout une joie de vivre et de jouer très rafraîchissante, va défendre son nouveau statut. Comment rêver pour elle d'un plus beau lieu pour le renforcer? •